J\'écris, donc je danse

J\'écris, donc je  danse

Solos de deux grandes figures burkinabé

Solos de deux grandes figures burkinabé Deux importants danseurs de la scène burkinabè nous ont livré l’autre soir, deux solos. Coup sur coup, Serges Aimé Coulibaly et Seydou Boro, ont soumis le public des Dialogues de Corps 2010 à une réflexion où l’engagement politique va avec la révolte et l’instabilité intérieures de l’homme.

 

« Solitude d’un homme intègre » de Serge Aimé Coulibaly Son décor, un carré de détritus délimitant l’espace de jeu, suggère un univers du chaos. Seuls éléments visibles au milieu de ce lieu, un support de sceau recouvert de plastique, on dirait une poubelle et puis un banc central sur lequel le danseur reste assis. Expression terne et méditative du visage, il regarde fixement le public entrant en salle. Noir dans la salle et lumière sur le plateau. Le danseur se tient debout et nous regarde de front. Il avance de quelques pas, côté jardin, saute et chute. ‘’Une danse du culbute’’ qui campe le décor d’un propos politiquement engagé, faisant revivre les moments forts de la révolution burkinabè avec son ancien Chef de l’Etat Thomas Sankara. Nostalgie, quand tu nous tiens! La danse est simple et grinçante faisant d’abord place à la portée des propos. La musique. Elle constitue le soubassement même de ce retour dans le passé et s’installe également dans le présent avec des voix comme Féla Anikula poti du Nigéria, Dee dee Bridgewater des Etats-Unis, Pierre Akendégué du Gabon, Baba Maal du Sénégal et Faso Kombat du Burkina Faso passées en fond sonore. La musique a une interaction vive avec les propos. Dans cette révolte dansée, où « Sankara, est un nom debout et qui a la gueule » le personnage questionne notre humanité, nos espérances, nos solitudes, nos différences. Mais il est également comme marqué par une crise d’identité en abandonnant parfois le Français, pour livrer son discours en Dioula, langue parlée dans plusieurs pays ouest africains. Au regard de la précédente pièce du chorégraphe, « Babemba », qui était également un hommage à cette figure politique burkinabè voire africaine, on pourrait parler d’un diptyque. Un parti pris que Serge assume sans s’en cacher. « Peu d’hommes politiques auront suscité avant lui autant d’espoir, d’enthousiasme et de fierté au sein de la jeunesse africaine » explique Serge.

 

 

 

« Concert d’un homme décousu » de Seydou Boro assisté d’Ousséni Sako Cinq musiciens accompagnent Seydou Boro dans son solo « Concert d’un homme décousu », une introspection dansée mêlant doute, instabilité, délire et courage. Toute la pièce durant, le corps du danseur n’est presque jamais pleinement vertical, le regard est à peine accessible au public. La danse est virevoltante avec des allers-retours et des mouvements de tête incessants. Seydou y danse un déséquilibre psychique que la musique essaie de rétablir. Dans ses errements déchainés, il lui arrive même de jouer d’un mouvement du pied la guitare basse portée par l’un de ses compagnons. Quelle vanité ! se dit-il sans doute, pour fouler au pied un tel symbole, pourtant en forte résonnance avec son intériorité. C’est d’ailleurs uniquement les notes de cette basse qui le font entrer en scène, le font bouger en début de spectacle, avant d’être rejointe plus tard par les guitares acoustique et solo, le tambour d’aisselle et les percussions. Ce nœud entremêlé qui affecte le corps du danseur est aussi exprimé par des paroles chuchotées dont le débit fait penser à une incantation ou encore des logorrhées. Une fois coulé dans sa robe rouge vif, le danseur apparait comme un homme plein. Le corps reprend ses lignes régulières, livre même une espèce de flamenco jouissif et réussit à entrainer sur scène toute la salle avec lui, malgré sa complexité intérieure. On danse, on saute, on crie avec l’artiste. « Concert d’un homme décousu » est enfin, le concert de tout un chacun. Il est la continuité de la recherche que Seydou poursuit sur la complexité de l’être humain. Comme il l’a déjà abordé dans son court métrage « On s’en fou ».

 

 Dieudonné Korolakina



04/01/2011
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 218 autres membres