J\'écris, donc je danse

J\'écris, donc je  danse

Dambé de Salia Sanou et Allah Garibou de Irène Tassembé en levée de rideaux

 

Deux pièces chorégraphiées par deux figures importantes de la danse au Burkina Faso étaient en ouverture de ces 8ème Dialogues de Corps au Centre de développement chorégraphique (Cdc, La Termitière). Dambë de Salia Sanou et Allah Garibou de Irène Tassembédo. Et la constante dans les deux créations, ce sont les propos qui ne sont pas sans rappeler l’enfance.

 

Bâtisseur de mémoire

L’enfance de Salia Sanou ressurgit dans Dambë, sa toute dernière pièce. Une autobiographie dansée, une chorégraphie sensorielle qui fait appel à la mémoire.

Il y a, avant tout ces pierres qui ne quittent jamais la scène au fil de toute la pièce. Ces pierres qui viennent de Léguéma, le village natal de Salia, il les porte sur la tête, s’y assoit, les pose l’une sur l’autre, les déconstruit, les dispose en diverses formes rappelant des objets divinatoires. Elles sont porteuses d’une certaine nostalgie, d’une mémoire très solide et indestructible qui renait à travers des gestuelles fragiles, parfois improvisées de l’enfant, marques de ses chagrins, ses doutes et ses espoirs. C’est d’ailleurs l’omniprésence de la chanteuse Maaté Kéïta sur scène qui oriente point par point cette fragilité, à travers une profusion de parole chantée et dite, soutenue par un fond sonore évoquant l’ambiance quotidienne d’une cour à la campagne. Toute une poésie de martèlement de la forge, de chants d’animaux, de conversations ininterrompues, etc.

On n’oubliera pas cette scène avec la farine rouge, sortie dirait-on, du moulin de Léguéma, que le danseur éclate de visage plongeant le plateau dans un univers poussiéreux à l’image même de ce hameau reculé du Burkina. 

La danse entre également en résonnance avec cette bande-son, qui fait multiplier ses centres d’intérêt, avant de s’accrocher et même de s’immobiliser à ce mât fixe et franc, peint en rouge. On pourrait imaginer le grand baobab tutélaire et tuteur du village.

Salia signe dans Dambë, une danse de la condition humaine qui témoigne que, tout enfant, le chorégraphe avait déjà la danse dans le corps. Un corps qui reconstruit enfin la mémoire.

 

Allah Garibou mixe danse, musique et vidéo

Irène Tassembédo, la chorégraphe burkinabè reconnue par la singularité de son travail présente Allah Garibou, sa toute dernière création au public de Dialogues de Corps 2010. Ce spectacle est très impressionnant par le mixage et le métissage des disciplines qu’il offre à voir.

Plusieurs tonneaux, des pneus et des boites de conserves récupérées occupent la scène par endroits. Sous une lumière blafarde, on voit en fond de scène, cinq bambins au réveil, encore allongés au milieu des tonneaux s’étirant comme très abattus par le travail de demande d’aumône de la veille. Une fois sur pied, les boites de conserve en bandoulière, ils arpentent une diagonale de la scène et entrent en coulisse.  Ils sont relayés par quatre danseurs professionnels bien connus de Ouagadougou. Ils offrent de bout en bout un ballet très énergique, à rebours de la danse très candide et fragile des enfants.

Allah Garibou, est une mise à nu « de la douloureuse question des enfants mendiants  qui sillonnent les rues de nos capitales africaines, …ces enfants données par leurs familles à des dignitaires religieux (imams, marabouts, maitres coraniques) afin de faire leur apprentissage du Coran. »

Heureusement, qu’ici ces enfants sont donnés par les parents à la Danse et espérons, pour de bon.

Dieudonné Korolakina



14/12/2010
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